CRISTALLINES 2019

Mes élèves m'ont fait découvrir le Yupo, un support plastifié hydrophobe et je me suis lancé dans une série d'aquarelles sur le thème des torrents du Luchonnais. Le Yupo se prête bien à l'exercice : moirures, transparences, fluidités et lisses veloutés, il accompagne et guide le peintre dans le rendu des remous du psychisme hydrant. Peignant sur Yupo, on se sent un Michaux sous mescaline, soit chevauché par la drogue soit la cravachant…toutes proportions gardées. L'aspect innovant est dans la facilité de récupération des blancs et des lumières par enlèvement au pinceau. J'ai lu que le Yupo ne se prêtait pas à la figuration : c'est inexact, si l’on parvient à doser le rapport pigment/eau. D'où le titre de l’exposition : « Cristallines », à ne pas confondre avec la marque d’eau minérale du même nom, sans double «l» ni «s» pluriel. Cette année, j’ai invité Sylvie Clère-Burgalat à participer à mes portes ouvertes, car j’ai été séduit par ses dernières créations, notamment ses aquarelles : maladroites, enfantines, elles ont un charme fou et semblent défier les lois de la perspective et de la physique. Des compositions surprenantes comme venues d’un univers parallèle. La palette aux nuances vertes -bleutées et carmin vif est toute de fraîcheur. Sous le pinceau de SCB, les pots gonflent ou dégonflent, « bourjoufflent », s’éloignent puis se rapprochent, tandis que les coupes tournent sur elles-mêmes à grande vitesse, telles des toupies fléchées de couleurs. En regardant ces aquarelles, j’ai pensé à Alice rapetissant à vue d’œil puis grandissant aussi vite démesurément et je me suis souvenu des propos fulgurants d’Artaud: « Et que le plat s’allume en volume, car le plat n’a pas de volume et c’est le volume qui est le plat. Le volume mange le plat qui tourne de tous côtés pour ça. » Bien vu, bien dit, c’est exactement ça ! (Daniel Estrade 2019)