Petit précis d’aquarelle

 

C’est hallucinant de précision, de minutie. Au point qu’on pourrait croire que, pour réaliser ses aquarelles sur vélin, Daniel Estrade utilise un pinceau à un seul poil. Les différents sujets représentés par l ‘artiste sont si fidèles à la réalité qu’ils ressemblent à ceux des planches anatomiques. Mais à les regarder plus attentivement, on s’aperçoit que les objets choisis, tantôt dérisoires (une écaille de poisson, des petites graines rouges , un dollar des sables, …), tantôt liés à l’art primitif (un mortier aux esprits Massim de Nouvelle-Guinée ; un bol à kava des îles Fidji ; un Marupaï, amulette du Sépik, …) sont toujours le support d’une ré-interprétation. Daniel Estrade ne se contente pas de représenter son Panthéon d’objets, il rentre littéralement dans chacun d’eux, s’en pénètre pour en faire sortir toute la présence et l’aspect sensible, pour en extraire l’imaginaire jusqu’au délire et pour les " charger " (comme on le dit justement d’un objet rituel). A l’exemple même du titre de cette exposition " Mana " qui, en Polynésien signifie la force des esprits. Celle qui indéniablement habite chacune de ces œuvres.

Henri-François Debailleux, libération 1 Février 2000.