Technique : aquarelle sur parchemin

 

 « Je pratique l’aquarelle depuis une dizaine d’années. Initié à la technique des anciens (école de Van Eyck) par Nicolas Wacker (ex beaux arts de Paris – 1971-73), j’ai souhaité appliquer ce savoir – superposition de fins glacis sur couches denses – au médium aquarelle. Cette option m’a posé deux problèmes : perte de luminosité suite à une superposition excessive des couches et impossibilité d’obtenir un trait incisif dans le détail car tout papier aquarelle détrempe et se « fatigue » très vite.

En effet, les pigments appliqués sur parchemin ne pénètrent  pas le support. Les couches ne s’encrassent pas. Au contraire, leur addition renforce l’éclat des couleurs. Ce support permet de plus d’obtenir une finesse exceptionnelle dans le traité du détail. La difficulté fut de trouver un « médium » qui permit une bonne adhérence du pigment car il y a incompatibilité radicale entre l ‘eau et la peau, grasse par nature. Après avoir tâtonné, j’ai opté pour le « fiel de Bœuf » dilué dans l’eau (dosage 1 sur 2) lequel permet une adhérence convenable des couches de base que l’on peut travailler dans l’humide. Disposant ainsi d’un « fin lit de matière » je peux alors abandonner le fiel qui a tendance à engluer légèrement les poils du pinceau. Le parchemin est une matière translucide. Placé sur un gond blanc, il apparaît légèrement jaunâtre. Placé sur un gond coloré très chargé il révèle toutes les richesses de son grain, d’ou l’idée de ne pas l’enduire comme le faisaient les anciens, mais de le maroufler (à la colle d’amidon après en avoir humidifié les deux faces) sur un papier aquarelle lui même déjà peint et tendu sur panneau de bois. J’ai soin de réserver des zones vierges sur ce fond aquarellé, zones qui correspondent exactement à l’emplacement de l’objet (ou forme) à reproduire sur le parchemin. Protégé par un « intissé », le tout est mis sous presse pendant 12 heures.

Le parchemin est une « matière glaireuse » qui vous « donne » dès l’application des premières couches, la texture exacte de la matière que vous souhaiter obtenir : lisse ou rugueuse, soyeuse ou rêche. Même observée à la loupe, la matière picturale ne révèle pas l’empreinte du coup de pinceau. On peut ainsi aller très loin dans la précision, creuser au maximum sa vision, et happer le regard du spectateur.

On distingue deux types de parchemins : le vélin (peau de veau mort né) et le chevreau. Le vélin offre un grain plus fin que celui du chevreau.  Je les emploie indifféremment selon l‘effet que je souhaite obtenir. Les vélins Français sont Jaunâtres parcourus de marbrures. Les vélins Anglais sont plus clairs que les Français et de moindre épaisseur. Quant aux vélins Hollandais, ils sont légèrement brunâtres, parce que peu tannés.

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GORGE A L'ECAILLE - vélin (détail, grandeur nature  à gauche)

J’utilise des pinceaux Japonais (numéros 1 & 2) à virole. Cette virole permet une bonne tenue de la touffe de poils à la base du pinceau, d’où une meilleure élasticité dans le poser de la touche.

Sur les conseils du peintre Jean-Louis Morelle (voir son ouvrage sur la technique de l’aquarelle – « l’eau créatrice » aux édition Fleurus – 3eme édition 2002, 24 000 exemplaires) j’ai récemment simplifié ma palette. En plus des trois primaires – bleu cyan, Jaune transparent rose permanent – dont le mélange permet pratiquement de tout obtenir, notamment les noirs - j’utilise en complément, un vert tendance  bleue - une gomme – gutte, un violet, un rouge magenta et un rouge oxyde transparent (qui me sert de base pour mes terres).

Pour le traité final et le rendu des fissures ou de filaments j’ai opté pour une encre chinoise noire moyennement diluée. Après exécution, je découpe au cutter le papier aquarelle et son vélin contrecollé et place l ‘ensemble entre deux plaques de verre, ce qui évite, avant encadrement, tout risque de gondolage ».

Daniel Estrade, Septembre 2000

Voir l'exposition "Mana".

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